Est-ce que l’on s’engage moins aujourd’hui ? Ce qui est sûr c’est que l’on s'engage différemment. L’engagement, une notion difficile à définir et à mesurer car non figée dans le temps et pourtant un véritable enjeu. Alors c’est quoi l’engagement et comment engager ?Dans cette nouvelle temporalité et dans cet nouvel éclatement géographique aussi du travail, la notion d'engagement, elle est encore plus importante puisque finalement on ne voit plus son collaborateur au quotidien.
Donc, on a besoin de sentir qu'il est lié à l'organisation et l'engagement, c'est un lien.Emmanuelle Joseph-Dailly
Experte Apm
« Cultivez votre engagement et développez celui de vos collaborateurs »[C'est quoi l'engagement ?]
C’est infiniment complexe l'engagement, parce que c'est une multitude de couleurs et de facettes différentes, c'est très propre à chacun et puis en plus, comme c'est émotionnel, l'engagement, c'est très fluctuant au cours d'une vie.
Moi, j'aime bien retenir l'idée que s'engager, c'est mettre un supplément d'âme dans ce qu'on fait.
Dépasser finalement le simple attendu contractuel et avoir ce qu'on appelle un comportement « extra-rôle », c'est-à-dire dépasser finalement son simple rôle dans l'organisation.
[Une quête de sens]
Dans les entreprises qui ont une forte raison d'être ou les organisations qui ont un fort sens collectif, si on oublie de donner le sens de manière individuelle, on perd la puissance de force que l'individu peut mettre dans son travail, puisque l'engagement, ça reste une puissance de force individuelle.
C'est donner le meilleur de soi-même en termes d'énergie et en termes de compétences contre finalement une place dans l'organisation, donc un statut, un regard social aussi, puisque je fais partie d'un collectif, la possibilité de m'épanouir, la possibilité de me développer.
Donc il y a une contrepartie évidemment dans cet engagement qui est ce rapport transactionnel.
[Engagement ≠ motivation]
L’engagement, c'est toujours vis-à-vis d'un groupe, d'une équipe, d'un manager, d'une organisation.
Et souvent, on a du mal à faire la différence entre l'engagement et la motivation, alors que ce sont deux choses assez différentes finalement, puisqu'on peut être très motivé par son activité et pas engagé vis-à-vis d'un groupe, d'une équipe ou d'une entreprise.
Dans le cerveau, motivation et engagement, c'est plus ou moins la même chose.
Ça se loge au même endroit.
C'est le circuit de la récompense.
C'est ce qui fait qu'on va mettre une énergie vers quelque chose.
Mais en pratique, en entreprise et dans nos organisations, c'est très différent.
Motivation, ça vient de movere.
Movere en latin, c'est le mouvement, c'est ce qui va me donner du fuel finalement pour faire quelque chose.
Alors que l'engagement, c'est une transaction, c'est un lien.
Un lien vers une organisation, un lien vers un manager, un lien vers une équipe, un lien vers une entreprise.
[Engagement = loyauté ?]
Longtemps, on a mesuré l'engagement en demandant aux collaborateurs s'ils se projetaient à cinq ou dix ans dans l'organisation.
On mesurait la notion de loyauté, on mesurait la notion de sentiment d'appartenance, d'alignement à la stratégie.
Mais finalement, tous ces critères aujourd'hui demandent à être complètement repensés parce que les organisations du travail se sont vraiment métamorphosées.
On ne travaille plus sur le même lieu, on ne travaille plus dans le même espace-temps.
[Repenser l’engagement]
Demain, on pourrait imaginer que l'employeur change de regard sur cet engagement dans la notion d'exclusivité et de temporalité, c'est-à-dire que la durée de l'engagement ne présage pas de la qualité de l'engagement.
Je peux être extrêmement engagé pendant un an et demi ou deux ans.
Néanmoins, pour l'entreprise, c'est un coût important.
Donc c'est peut-être aussi l'ensemble du processus qui va être à revoir.
Il va falloir repenser la manière dont on mesure l'engagement, voire dont on le perçoit.
Et on a souvent l'envie, en tant que dirigeant d'entreprise, d'attendre des autres qu'ils soient engagés de la manière dont nous-mêmes on est finalement engagé. Et ça, c'est un des principaux travers de l'engagement.
[Questionner son engagement]
L'étape numéro un pour un dirigeant qui veut adresser la question de l'engagement, c'est de questionner son propre engagement.
Et c'est souvent une étape qu'on oublie puisque quand on est dirigeant, souvent, on est extrêmement engagé dans son activité.
Mais il faut néanmoins questionner ce qui fait qu'on est engagé, ce qui nous donne envie d'être engagé.
C'est intéressant aussi d'aller voir dans le passé, les événements, les moments où finalement l'engagement s'est perdu, que ce soit dans cette structure ou dans une vie passée.
[Engager ses collaborateurs]
Le processus d'engagement, il doit forcément être global, systémique, holistique et toucher l'ensemble de l'organisation.
Il doit forcément s'appliquer au contexte et à la conjoncture aussi.
C'est-à-dire que la phase d'écoute, elle, est sine qua none.
Tous les collaborateurs, tous les salariés n'ont pas envie des mêmes choses pour être engagés.
Ça peut être évidemment la rémunération, ça peut être l'employabilité, comment est-ce que je me sens en sécurité psychologique aussi dans mon organisation ?
Est-ce que j'ai l'impression qu'en y restant finalement, j'ai l'occasion aussi de me développer et de m'épanouir d'une manière ou d'une autre ?
Ça peut être intellectuellement, mais ça peut être socialement aussi.
Est-ce que je ressens de la congruence en tant que collaborateur ?
C'est-à-dire, qu'est-ce que l'entreprise met à disposition des éléments pour me faire ressentir une cohérence entre ce qui est dit à l'extérieur, ce qui est montré à l'extérieur et ce que je vis, moi, en tant qu'individu à l'intérieur ?
Puis il y a évidemment les locaux qui ne sont pas né gligeables dans l'engagement.
Il y a évidemment aussi les outils.
Est-ce que j'ai les moyens de faire mon travail ?
L'exemplarité managériale, l'ambiance des collectifs de travail, ça passe par une multitude de choses et les adresser de manière sporadique et de manière unique, avec des éléments qui peuvent paraître minimes, du coup, ça décrédibilise l'ampleur et la complexité d'un sujet comme celui-là.